Chapitre I de 56 à 73
Je suis né le 19 juin 1956, peu après la tombée de la nuit, à la clinique de Villeneuve-St-Georges, dans ce qui était les Yvelines et qui est devenu l'actuel Val de Marne.
Mon père portait le patronime d'une très ancienne famille Nicoise liée à une montagne de l'arrière pays Nicois "la montagne de Faraut". Il avait donc des origines piémontaises qui remontent à la Nice italienne. C'était un petit artisan peintre qui à l' époque de ma naissance devait aller sur ses chantiers en vélo-solex, la tinette de peinture et ses brosses bien harnachées sur le porte-bagages.
Ma mère, aux origines anglo-normandes a élevé 6 enfants. Elle a eu l'aîné de mes frères en décembre 1945. Me voila donc le petit dernier des 5 fils ; puis mes parents, dans une dernière tentative ont eu enfin la fille qu'ils désiraient tant, et j'eus une petite sœur avec qui j'ai passé une grande partie de mon enfance.
Les années 50 ont été pour moi des années heureuses, l'amour ne m'a pas manqué et la trombine que je fais en 1962 sur la photo de classe laisse à penser qu'à l'âge de 6 ans, tout allait pour le mieux.
Mes parents ont souvent déménagé et j'ai dû développer mes facultés d'adaptation, car je me suis retrouvé souvent, non seulement le nouveau en pleine année, mais aussi l'étranger à une région et à cette époque-là le chauvinisme était de rigueur.
J'ai eu droit aussi à la pension religieuse catholique pour soulager certainement mes parents de mon agitation naissante, puis vers la fin des années soixante, j'ai fait une classe dans une institution, ancien petit séminaire où la punition favorite était l'enfermement dans un cagibi sous un escalier sur lequel passaient les 300 élèves en sortie de classe (vous voyez le genre !).
68 et 69 seront mes années d'adolescence. Le cycle scolaire du secondaire me gonflait sérieusement. Nous étions en pleine période contestataire et même si j'étais trop jeune pour comprendre, apparemment je fus contaminé, car j'avais de sérieux doutes sur la chrétienté et les dogmes catholiques, et ma vision de la société était toute aussi trouble. J'ai fini ma scolarité dans divers lycées, n'étant plus intéressé que par le dessin, les sciences naturelles, le théatre, un peu les filles et surtout les premiers disques de pop de la fin des années 60.
La musique a toujours fait partie de ma vie. Mon grand-père maternel jouait du violon, son épouse du piano, ainsi que ma mère, et mon père était un mélomane assidu. J'ai tellement entendu, depuis ma plus tendre enfance, les plus grandes oeuvres de la musique classique et baroque, que très jeune, 12 ans peut-être, je connaissais par cœur des oeuvres entières de Bach. En fait je singeais ma mère qui, vacant à ses occupations, fredonnait la quasi totalité des oeuvres passant sur la platine.
La "Symphonie du nouveau monde" de Dvorak et les oeuvres de Gershwin vont éveiller en moi une attirance particulière. Je crois qu'à ce moment l'Amérique me séduisait déjà, les Irlandais plus particulièrement ont amené sur le nouveau continent l'âme celte si présente dans la country et l'âme de l'Afrique, dans sa souffrance, fera surgir le blues duquel naîtront bien d'autres musiques américaines puis anglaises qui deviendront mes références.
1972 est une année où je m'essaie à la vie en société en allant bosser sur les chantiers et en usines. Ma scolarité étant bousillée, ma vie de travailleur s'annonce difficile. Bien qu'attiré par l'aspect art plastique de la décoration et de l'apprentissage en tapisserie que je fis partiellement, la musique finit par devenir la seule dimension dans laquelle je me sentais bien.
A la fin de 1972 je bricole sur ma première guitare (je l'ai achetée emballée dans un sac plastique au rayon d'un "Magasins Réunis", le concurrent de "Monoprix" à cette époque. C'est pas vraiment un instrument, mais c'est mieux qu'un jouet. Je la décore et l'équipe d'un micro et règle au mieux tout ce qui me semble être un défaut. La gratte est 3/4 je crois me souvenir, et elle ressemble plus à un hukulélé ramassé à Woodstock qu'à une guitare.
Ne sachant pas accorder une guitare, je ne me démonte pas et tout seul comme un grand, je la règle de manière à ce qu'elle sonne bien à mon oreille. Il ne me restait plus qu'à répéter inlassablement des phrases musicales et les petits accords que je découvrais pour commencer mon aventure de musicien. Je n'avais pas conscience à l'époque que je venais d'enchaîner les actes fondateurs qui deviendront ma démarche d'artiste : préparer un instrument pour en faire un vaisseau spécialisé à voyager vers une destination inconnue, sans balise, avec comme principal guide l'écho émotionnel généré par l'improvisation de la création.
Quelques mois plus tard j'ai appris à accorder normalement la guitare et ainsi, j'ai pu parallèlement explorer rapidement le répertoire de Bob Dylan, et tout ce qui se jouait autour d'un feu de camp. Ma mémoire auditive et ma faculté à saisir à l'oreille très rapidement les accords et les rythmes, m'ont permis en moins d'un an, d'être suffisamment bon pour jouer avec d'autres.
En 1973, après être monté à Paris et y avoir fait la manche dans le métro pendant plusieurs mois régulièrement avec un autre guitariste-chanteur expérimenté qui se faisait appeller Rocky, j'étais prêt à jouer seul devant un public et je suis parti à l'aventure jouer sur les terrasses des restaurants dans le sud, faire la cueillette des fruits, toute la belle saison. Je faisais du stop la guitare en bandoulière, j'étais libre comme l'air et je me foutais bien du regard réprobateur que jetaient sur moi les âmes bien pensantes qui croisant mon chemin, voyaient ce tout jeune hippie dégingandé traverser leur coin de campagne. Moi j'étais parti pour conquérir le monde la guitare à la main !
à suivre